La Présence Inconnue
Nous croyons tous connaître notre corps, ce fidèle compagnon. Celui qui nous accompagne partout, et qui parfois semble même arriver avant nous — en occupant une chaise, en remplissant un espace — avant que nous ne nous y installions.
Et pourtant, ce que nous croyons savoir de lui n’est jamais qu’un savoir de seconde main. Ce n’est pas notre corps que nous connaissons. C’est le corps appris.
Un corps découpé en zones décentes et indécentes. Marqué comme « montrable » ou « honteux ». Cartographié dans des diagrammes, des manuels et des planches anatomiques.
Nous avons appris la répartition des organes à partir de cadavres disséqués. Poumons, foie, reins, vésicule biliaire. C’est le corps "médical"— topographique, figé, inerte.
Utile, peut-être. Mais mort.
Puis sont venues les cartes énergétiques : chakras, méridiens, schémas de flux invisibles.Chacune présentant le corps comme un outil d’ascension, une matière à yoga, une échelle menant vers une supposée « expansion ».
Mais qu’elles soient biologiques ou ésotériques, ces représentations partagent la même erreur : elles confondent la carte et le territoire. Et pire encore : elles confondent le territoire et le voyage.
Le corps ne s’apprend pas
Par nature, le corps échappe à tout cela. Il ne vit pas dans les schémas, ni dans les mots, ni dans les images.
Il vit ailleurs. Il n’est pas un objet de connaissance. Il est un sujet d’expérience. Non pas quelque chose à étudier, mais quelque chose à explorer. Non pas à maîtriser, mais à rencontrer.
Le corps réel est dynamique, vivant, inconnu. Il ne parle ni par des théories, ni par des images. Il parle par des sensations. Et les sensations ne se décrivent pas. Dès que nous essayons de les nommer, nous les trahissons déjà. Elles ne peuvent qu’être ressenties — brutes, sans mots, vierges.
Du savoir emprunté à l’expérience directe
Toutes les cartes, tous les modèles, tous les « systèmes » sont des héritages. Nous croyons savoir ce qu’est notre corps parce qu’on nous l’a dit. Mais le corps que nous vivons n’est pas celui que nous avons appris. Et cette différence est essentielle.
Car tant que nous abordons le corps à travers un savoir de seconde main, nous restons exilés de sa vérité vivante.Nous continuerons de le traiter comme un outil, une machine ou un obstacle, alors qu’il est en réalité notre première et notre dernière preuve d’existence.
Une rencontre d’un autre ordre
Rencontrer le corps tel qu’il est, c’est abandonner ce que nous croyons savoir. C’est l’approcher dans une attitude de découverte, pas de maîtrise. Avec une attention nue, sans croyances héritées. Avec l’humilité du non-savoir.
Quand nous nous reposons dans cette présence — dans le corps dépouillé des images et des concepts — la dualité entre chair et esprit s’évanouit. Nous ne sommes plus un esprit enfermé dans un corps. Nous sommes le mystère vivant lui-même.
Le corps n’est pas là pour être appris.
Il est là pour être vécu.
Commentaires
Enregistrer un commentaire